17.9.07

Amjad Nasser


Soulier de Cendrillon


Amjad Nasser [Jordanie]



[A partir d'un tableau de Youssef Abdelké]

Même le peintre qui le vit suspendu à l'un des murs de mon bureau crut que c'était une photographie, non pas une peinture faite avec les matières les plus rugueuses. Je sais qu'un tel propos est la pire des éloges qu'on puisse faire à un tableau, mais le soulier féminin noir, au lacet de cuir entourant la cheville absente comme un petit serpent, était sur le point de voltiger en usant des pas les plus légers sur terre. J'avoue, ô artiste, que je n'étais pas équitable dans mon jugement, car, dès que je contemple ce tableau, j'oublie tes coups de pinceau et je pense à la dame au soulier, dans lequel je n'ai nullement vu, auparavant, palpiter le pied d'une femme. J'imaginais que c'était une ballerine, une violoniste, ou une poétesse qui écrit des poèmes versifiés, et non pas des poèmes en prose. Car il y a là un rythme intense que laissa un poème lyrique ardent à sa suite. Il y a là, aussi, une touche de fétichisme qui me rappela l'envie de Goethe que sa bien-aimée se chausse, lors de leur rendez-vous à venir, de ses souliers jaunes. Mais, pourquoi justement une ballerine, une violoniste, ou une poétesse, et non pas Cendrillon la chaussante de ce soulier tant envié?

Londres, juin 2003


Traduit de l'arabe par Rachid OUHTI

Aucun commentaire: